
Un livre passionnant qui cherche à faire cohabiter les deux approches scientifiques des phénomènes mentaux que sont la psychanalyse et les neurosciences.
On entre dans la technique de l’architecture et du fonctionnement du cerveau avec des explications détaillées et un parallèle avec les théories freudiennes. La complexité de la construction de notre mental est évidente et les auteurs sont précis sur ce qui a été prouvé, ce qui reste une hypothèse et les domaines à explorer.
Le contenu riche extrêmement riche de ce livre ne peut être résumé. Voici simplement quelques citations éclairantes sur le fonctionnement si complexe de notre cerveau:
Le cerveau est relié à deux mondes : le monde à l’intérieur de nous, le milieu interne du corps et le monde à l’extérieur de nous, l’environnement externe. Au fond, le rôle principal du cerveau est de servir d’intermédiaire entre les besoins vitaux du milieu intérieur du corps et le monde autour de nous, sans cesse changeant où se trouve tout ce dont notre corps a besoin mais qui est indifférent à ses besoins (à l’exception de nos parents – particulièrement durant l’enfance – et des gens que nous aimons, qui pour cette raison occupent une place spéciale dans notre économie mentale).
La façon dont les neurones se connectent entre eux dépend de ce qui nous arrive. L’organisation fine du cerveau est littéralement sculptée par l’environnement dans lequel il se trouve, beaucoup plus que tout autre organe corporel et pendant une bien plus longue période.
Notre vie mentale fonctionne en majorité inconsciemment, idée majoritairement acceptée au sein des neurosciences cognitives.
Le monde ne se résume pas au monde extérieur, les émotions fournissent des informations sur l’état du self corporel. Seul le sujet ressent ses propres émotions. Non seulement la perception de l’émotion est subjective, mais son objet l’est également. Nous ne nous contentons pas de ressentir passivement nos émotions. Ces dernières nous poussent à « faire quelque chose » sur un mode compulsif. L’aspect moteur de l’émotion implique des processus de décharge internes et externes.
Pour les bébés, ce sont souvent ses parents qui jouent le rôle d’intermédiaire entre ses besoins – qu’il leur communique en exprimant ses émotions – et les objets du monde extérieur. Les actions que réalisent ces intermédiaires pour le bébé, ainsi que leurs effets, sont peu à peu internalisés par l’enfant, jusqu’à ce qu’il puisse s’occuper de lui-même. Les expériences précoces de satisfaction forment le socle de notre compréhension du monde ; pour un enfant, apprendre à reconnaitre correctement ses besoins ainsi que les objets de leur satisfaction est totalement lié avec la qualité de ce qu’il reçoit de ses parents.
Il y a toutes sortes de situation dans lesquelles ce processus peut être perturbé ; par exemple lorsque les besoins du bébé sont durablement négligés ou mal compris, où même satisfaits trop tôt, sans qu’il ait pu suffisamment les ressentir. Ce type d’expériences, associé à des « facteurs de risque » biologiques, est probablement à l’origine de certains états psychopathologiques extérieurs.
Le plan initial du corps humain, y compris le cerveau est féminin.
Le corps calleux est une structure cérébrale pour laquelle d’importantes différences ont été montrées entre femmes et hommes. Il est proportionnellement plus grand dans le cerveau de la femme que dans celui des hommes → liaisons plus importantes des deux hémisphères chez la femme que l’homme → latéralisation moins importante chez la femme. Les femmes ont de meilleurs compétences verbales, les hommes de meilleures compétences visuospatiales. Une plus grande activation de l’amygdale chez l’homme semble expliquer pour quelles raisons les garçons sont généralement plus actifs et agressifs que les filles.
Chez les femmes, c’est le gyrus cingulaire antérieur lié à l’expression des comportements maternels et d’attitudes sociales.
On ne peut dire que les hémisphères contiennent des fonctions mentales mais plutôt que différentes parties des hémisphères sont sollicitées pour le fonctionnement de systèmes complexes impliquées dans nos facultés mentales.
Les systèmes de commande des émotions de base déclenchent des programmes moteurs stéréotypés, des réflexes et des comportements instinctifs, tous de nature compulsive. A ce niveau primaire d’organisation, le self est passif et n’effectue pas de choix dans ces réactions, il est dominé par ce que Freud appelait la « compulsion de répétition ». En d’autres termes, ce self primitif est dépourvu de libre-arbitre.
D’un point de vue neuroscientifique, l’essence du « libre arbitre » réside paradoxalement dans notre capacité d’inhibition : la capacité de ne pas faire quelque chose.
C’est là la principale chose qui nous distingue des autres grands primates : le développement de niveaux supérieurs du self, organisés avant tout autour des mécanismes d’inhibition. Ces mécanismes dépendent du fonctionnement des lobes préfrontaux, le joyau du cerveau humain, qui nous dotent de la capacité de réprimer les compulsion primitives, stéréotypées encodées dans notre mémoire ancestrale et émotionnelle. On peut légitimement considérer les lobes préfrontaux et leurs capacités inhibitrices comme le substrat de notre humanité.
Les lobes frontaux se développent après la naissance (avec des poussées à 2 et 5 ans) et ils continuent de se développer jusqu’à la vingtaine. Ils sont donc très fortement influencés par l’expérience. La structure de ces capacités d’inhibition est littéralement sculptée par les figures parentales et apparentées, qui jouent un rôle majeur dans le développement de l’enfant et notamment le développement de ses capacités. Ce processus de « sculpture» est dirigé par au moins deux composantes : les actions des parents mais également leur discours.
Les neurones miroirs : Pour l’instant ces neurones n’ont été mis en évidence qu’au niveau des systèmes d’action mais lorsque les neuroscientifiques oseront les rechercher au niveau des systèmes émotionnels, nous faisons le pari qu’ils pourront décrire les bases neurobiologiques de l’empathie. Il semble raisonnable d’imaginer qu’il s’agit du mécanisme par lequel l’enfant « internalise » les comportements de ses parents. Les enfants internalisent également ce que les parents leurs disent et utilisent le « discours intérieur ». Ils transforment ainsi des interdits en inhibition.