7 décembre 2023

Le cerveau, cet imbécile

Lorsqu’un neuroscientifique, expert en vulgarisation et plein de dérision, décrypte le fonctionnement du cerveau, on apprend beaucoup tout en passant un bon moment.

Une lecture passionnante à la découverte des biais, limites, dysfonctionnements imposés par notre cerveau. Des contrôles exercés en mode automatique, à la peur, en passant par la mémoire, l’intelligence, la construction de la personnalité, la dépression, les addictions… chaque chapitre explique, décrypte et illustre les basiques du cerveau. Et si on n’en ressort pas génial, ces connaissances permettent de mieux comprendre l’être humain, en commençant pas soi-même.

Pendant que nous grandissons, une grande partie de notre environnement est contrôlée puisque presque tout ce que nous savons nous vient d’adultes que nous reconnaissons et en qui nous avons confiance. Mais puisque personne n’est ni parfait, ni infaillible, il est fort probable que nous maintenions de nombreuses croyances pouvant aller jusqu’à nous nuire. 

Voici donc quelques mécanismes que notre cerveau utilise, parfois à nos dépens:

Le cerveau ne gère pas bien le cours aléatoire du monde. Le rejet du hasard a d’innombrables répercussions dont le réflexe de penser que tout arrive pour une raison. D’une façon générale, plus le cerveau exerce de contrôle sur les évènements, moins nous avons peur. Cependant, pour le cerveau, tout ce qui est mauvais est toujours plus puissant que ce qui est bon. Il devient ainsi difficile d’assurer un équilibre et bien souvent cela devient créateur de stress. Les êtres humains sont très sensibles aux opinions des autres. Tout ce qui menace le statut social perçu ou l’image de soi interfère avec le but d’être aimé, et donc libère du cortisol (hormone du stress) dans le système. Les choses agréables comme les compliments produisent aussi une réaction neurologique via l’ocytocine, qui nous fait éprouver du plaisir mais l’action de l’ocytocine est limitée à quelques minutes alors que celle du cortisol peut durer 1 à 2 heures.

Le cerveau n’aime pas avoir tort, il est ainsi soumis au biais de confirmation : nous nous emparons de tout ce qui nous conforte et nous ignorons tout ce qui ne cadre pas avec ce que nous pensons.

La colère produit des comportements irrationnels, voire de la violence. C’est un état d’excitation émotionnel et physiologique dont on fait l’expérience lorsqu’une sorte de limite est franchie. Des études contestent l’idée qu’on doit réprimer sa colère et qu’au contraire on ferait mieux de l’exprimer pour réduire le stress et agir plus efficacement. La colère peut avoir tendance à persister et même enfler, c’est le cas pour les agacements pour lesquels nous n’avons pas de solution. Le cerveau a toute cette colère qui bouillonne et il la transfère sur la première cible possible qu’il rencontre, juste pour relâcher la pression cognitive. Quand vous êtes en colère mais que vous ne voulez pas le montrer, la versatilité du cerveau permet de se montrer agressif sans user de violence cruelle et vous pouvez devenir « passif-agressif ». Cela consiste à adopter une attitude qui fait que l’autre s’énerve ou s’émeut sans pouvoir être certain que vous êtes en colère contre lui, or le cerveau n’aime pas l’ambiguïté et l’incertitude qui lui sont pénibles ainsi l’autre est puni sans violation des normes sociales.

Nous nous soucions des autres à un niveau neurologique et nous sommes prêts à faire beaucoup d’efforts pour qu’ils nous apprécient. Les techniques d’adhésion tirent profit de notre désir d’être perçu positivement par les autres. Nous avons tellement besoin d’être apprécié que cela peut avoir plus de valeur que notre propre jugement ou notre propre logique. Notre estime de nous-même requiert de la cohérence donc une fois que le cerveau a pris une décision, il peut être étonnamment difficile de lui en faire changer.

Ceux qui nous entourent ont une influence majeure sur le bien-être de notre cerveau et c’est encore plus vrai en matière de relations sentimentales. D’une façon inquiétante, notre cerveau préfère être aimé à avoir raison. Dans un groupe, on retrouve un effet de polarisation : les gens finissent par exprimer des opinions plus extrêmes que lorsqu’ils sont seuls.

Le cerveau a un fort biais égocentrique, cela lui donne une propension à se donner le beau rôle en toutes circonstances. Plus notre vie est privilégiée et confortable, plus il est difficile de comprendre les besoins et les problèmes des autres. Le cerveau part du principe que le monde est par nature bon et juste, que les bonnes actions sont récompensées, et les mauvaises punies. Ce biais aide les individus à fonctionner en communauté et nous motive. Malheureusement, ce n’est pas vrai. Cependant, voire quelque chose d’horrible arriver à quelqu’un alors que l’on croit à un monde juste induit une dissonance. Le cerveau a donc deux options, conclure que le monde est cruel et régi par le hasard ou que la victime a dû faire quelque chose pour le mériter. Cette deuxième option est la plus dure mais c’est celle qui est majoritairement utilisée pour rester dans le confort douillet (et incorrect) de nos certitudes sur le monde. Il semble que notre cerveau soit si enclin à préserver le sentiment de son identité et la paix de son esprit qu’il nous rend prêt à écraser quiconque les met en danger.

Sur le domaine des addictions, on entre dans des altérations du fonctionnement cognitif. La plupart du temps, le circuit de la récompense est activé de façon indirecte par la réaction du corps que le cerveau reconnaît comme positive. L’atout des drogues et ce qui les rend dangereuses, c’est qu’elles activent directement le circuit de la récompense. L’organisme et le cerveau sont tellement habitués à la drogue qu’ils se modifient physiquement pour s’y accommoder. L’interface entre circuit de la récompense et cortex préfrontal où sont prises en conscience les décisions importantes est modifiée, de sorte que les comportements acquis au contact de la drogue sont prioritaires sur des choses normalement importantes. A l’inverse, les conséquences négatives sont effacées et n’inquiètent plus. Les altérations du cerveau ne s’en vont pas le jour où on cesse de prendre de la drogue. En cas de rechute, ces mécanismes reprendront aussitôt vie.  

Comme le dit l’auteur en épilogue: « Voici donc comment fonctionne le cerveau. Impressionnant, n’est-ce pas? Mais aussi un peu stupide, parfois… »

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